CHAPITRE XXV

Kirtan Loor ne s’étonna guère que le général Derricote ne transpire pas malgré la chaleur humide de Borleias. Le commandant des forces impériales du système de Pyria avait tout du crapaud. Y compris, pensa Kirtan, la capacité de supporter l’atmosphère étouffante.

Le général se fendit d’un sourire qui fit trembloter ses doubles mentons.

— Agent Loor, je suis heureux de constater que vous n’êtes pas affecté par le climat, depuis dix jours que vous êtes arrivé. Avez-vous vérifié nos défenses ?

— L’examen des conditions de sécurité est satisfaisant. Tout est en ordre : générateurs de boucliers en bon état, deux escadrons de Tie parfaitement entraînés, vaisseaux impeccables.

— Nous sommes là pour arrêter la Rébellion, agent Loor. Nous devons être préparés.

— C’est le cas. Vos données informatiques sont presque aussi bien protégées que celles du Centre Impérial. Et vous travaillez plus dur que tous les officiers que j’ai rencontrés depuis la mort de l’Empereur.

— Je ne m’épargne aucun effort pour l’Empire.

— Dites plutôt : aucun effort pour moi-même, cracha Kirtan. J’ai pris la liberté de consulter les dossiers secrets de votre bloc-notes électronique. Un véritable artiste ! Vous envoyez des réquisitions en plusieurs exemplaires à différents centres qui pensent tous que vous dépendez d’eux. Vous avez obtenu assez de carburant et d’équipement pour quatre escadrons de Tie. Comme il n’y en a que deux, je suppose que les autres se trouvent sur le site d’Alderaan Biotics…

— Je ne comprends pas de quoi vous parlez.

— J’en doute, général. J’ai lu votre dossier. Vous avez étudié à l’Académie Navale Impériale, mais vous vous êtes spécialisé en botanique et en biologie. Cela vous rend particulièrement apte à rendre le centre Biotics de nouveau opérationnel… et rentable…

Le visage de Derricote vira au gris.

— Je m’attendais à quelque chose de ce genre. Mais je ne manque pas de ressources.

— Cela ne m’étonne pas. Après la disparition d’Alderaan, le marché des produits d’origine alderaanienne s’est développé. J’estime que vous avez dû empocher deux millions de crédits en deux ans.

— Quinze mois. Et nous avons réalisé presque trois millions de bénéfices, parce que nos frais généraux sont faibles.

— Ils sont faibles parce que l’Empire subventionne votre entreprise sans le savoir.

— Nous pourrions la considérer comme notre entreprise…

— Ou la mienne. Mais je doute pouvoir la conserver longtemps. J’ai trouvé des signes d’intrusion de l’Alliance dans vos messages par HoloNet.

L’homme se redressa. Ses yeux se durcirent.

— Les Bothans. Ils captent toutes les communications par HoloNet. Je leur donne quelques bribes d’informations pour les tenir occupés.

Le changement de ton du général surprit Kirtan. Il n’avait plus l’air d’un crapaud apathique, mais de l’homme génial capable de mettre sur pied l’escroquerie que Kirtan avait découverte.

Il a volontairement dissimulé sa vraie nature, pour que je le sous-estime.

Derricote effleura l’écran de son bloc-notes.

— La fréquence et l’intensité des attaques de l’Alliance sont en augmentation. Est-ce un hasard, ou est-ce dû à votre visite ?

— Le système de Pyria compte parmi ceux qui peuvent servir de voie d’accès aux Rebelles. En direction du Noyau !

— Parce qu’ils ignorent de quelles défenses je dispose.

— Deux escadrons de Tie supplémentaires ne les gêneront pas.

— Je vois que vous ne savez pas tout sur Borleias, agent Loor, ricana le général. Laissez-moi m’occuper des défenses. Vous êtes un agent de renseignement, pas un génie militaire.

— Je n’ai rien trouvé prouvant que vous en soyez un !

Derricote se tapota le front.

— Parce que je sais que les seules données vraiment secrètes sont là-dedans. Je m’attends à une attaque contre Borleias depuis que j’ai rouvert la station Biotics. J’ai pris mes précautions en conséquence.

— Et vous attendez ça avec impatience ! comprit Kirtan.

— Je suis un fils loyal de l’Empire, agent Loor. J’ai prévu de faire de Borleias un piège mortel pour les Rebelles.

— Méfiez-vous. Ils enverront ce qu’ils ont de mieux contre vous, y compris l’Escadron Rogue.

— Peu importe, dit le général Derricote avec un sourire. Ils s’attendent à moucher une chandelle. Au lieu de ça, ils se frotteront à une Supernova.